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Photo du rédacteurVincent Pessama

Aïda

Fragments poétiques (HORS-SÉRIE).

Tenter de se recueillir. Remplir son esprit chaotique d'un silence approximatif.


Bloquer sa respiration, retarder l'explosion lacrymale. L'apnée, c'est la dernière chance de conserver ses paupières étanches.


Déglutir à chaque spasme pour bloquer les sanglots qui s'impatientent au fond de la gorge.

Tout est sous contrôle.

Enfin, presque...


Quelques notes de fado et la mémoire est assaillie par des souvenirs clandestins.

Tenter de fuir mentalement en implorant son imagination.

Trop tard.

Tsunami nostalgique.

Ne plus lutter.

Laisser déferler. Se mélanger. Infuser...


L'accent portugais qu'elle avait même lorsqu'elle se taisait, l'odeur de l'oignon qui frit dans un océan d'huile d'olive, le pschiiiiiiiit explosif qui signale l'ouverture d'une bouteille de cola bon marché, le regard débordant d'amour maternel devant les photos des mariés encadrées dans le salon, le Michidos qui refroidit sur le bord de la fenêtre, les signes de croix furtifs, les yeux parfois craintifs en direction du ciel, les tranches de salamis qui s'empilent dans une demi-baguette trop beurrée, une pomme un peu flétrie présentée dans sa main ridée : « Ché pour la route ».


Oui. Pour la route.

Celle du retour, le dimanche soir.

La route aux lampadaires hypnotiques qui signe la fin du week-end. Mâchouiller son sandwich, le front collé à la vitre. Ce trajet mélancolique c'est déjà le début du lundi. Et le lundi, putain, y'a école.


Y'avait de la buée sur la vitre. Faille spatio-temporelle...

Ce matin, la buée, elle envahit mes lunettes.


Boa viagem Aïda. Descanse em paz.


13 septembre 2019.

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