Ecrire une carte postale avec Francis Cabrel
- Vincent Pessama
- 29 sept.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Dans cet atelier, on s'inspire d'une chanson de Francis Cabrel.
Analyse du procédé narratif
L'artiste utilise la technique de l'inventaire négatif : plutôt que de décrire ce qui existe, il énumère tout ce qui a disparu d'un village. Chaque vers débute par un participe passé, créant une énumération systématique des disparitions.
Allumés les postes de télévision
Verrouillées les portes des conversations
Oubliés les dames et les jeux de cartes
Endormies les fermes quand les jeunes partent
Brisées les lumières des ruelles en fête
Refroidi le vin brûlant, les assiettes
Emportés les mots des serveuses aimables
Disparus les chiens jouant sous les tables
Déchirées les nappes des soirées de noce
Oubliées les fables du sommeil des gosses
Arrêtées les valses des derniers jupons
Et les fausses notes des accordéons
(...)
Envolées les robes des belles promises
Les ailes des grillons, les paniers de cerises
Oubliés les rires des nuits de moissons
Et allumés les postes de télévision
Le texte s'ouvre et se ferme sur la même image de la télévision, créant un effet de boucle (technique de l’encadrement).
Proposition d’écriture
Choisissez un lieu familier (école, quartier, maison de famille) et listez tout ce qui a changé ou disparu en utilisant uniquement des participes passés au début de chaque ligne. Vous pouvez aussi choisir un autre point de départ (un couple, le corps, l’enfance…).
Essayer de commencer et conclure votre texte par le même vers que vous pouvez utiliser comme idée centrale.
Poèmes écrits en atelier
Texte de Paty (G2 / Université du Temps Libre de Libourne).
L'album photo
Feuilletés les albums photos
Ressuscitées les vacances en bateau
Tournées les pages jaunies
Retrouvés les souvenirs amoindris
Endormies les hostilités
Caressés les rêves de tranquillité
Effacées les colères du capitaine
Retrouvée la chaleur des mitaines
Envolée l'angoisse de météo marine
Oubliées les phrases assassines
Assourdi le claquement des drisses
Ecouté le vent tout en délice
Savourées les soirées au coin du feu
Oubliés les équipages anxieux
Colorés les souvenirs estompés
Gardés les moments de liberté
Privilégiées les calanques vagabondes
Révoqués les ports et trop de monde.
Feuilletés les albums photos
Ressuscitées les vacances en bateau
Texte de Elisabeth (G2 / Université du Temps Libre de Libourne).
Foyer
Héritée la maison de ma grand-mère
Envolé le parfum du riz au lait dans l’air
Arrêtée l’horloge au ventre rebondi
Enlevés les portraits de famille jaunis
Effacé le ronflement du poêle à bois
Jeté tout éventré le gros édredon de roi
Emportés sans retour les meubles cirés
Caché le vieux carrelage cabossé
Remplacée l’ancienne porte vitrée
Donnés les deux fauteuils à l’entrée.
Oubliée ma douce grand-mère ? Ça, jamais !
Conservé dans mon coeur tout son amour illimité
Gardée précieusement une enfance choyée
Sauvegardée pour toujours la flamme du foyer
Héritée la maison de ma grand-mère.
Texte de Annie (G1 / Université du Temps Libre de Créon).
Disparus les parents
Enterrés maintenant
Déchirée la famille
Demeuré seul le puit
Recherché plein d’argent
Dégagé le terrain
Affiché aux agences
Vendu au meilleur prix
Effacée la piscine,
Rasée toute leur vie
Demeuré tulipier
Accroché au grillage
Fleuri est le rosier
Taire cette rage
Noyée au fond du puit.
Disparus les parents
Enragés les enfants
Envolée la maison
Demeuré le poison
Remontés 4 murs
Imbriqués souvenirs
Mélangés aux cailloux
Oubliés des doudous
Bouturé le rosier
Transplanté maintenant
Refleuri ce printemps
Disparus les parents
Gardés précieusement, livres papiers archives
Embrassées vieilles peaux douceur évanescente
Retenue la haine
Nourrie au fil des ans
Lavés larmes et regrets
Disparus les parents.
Texte de Anne-Marie (G2 / Université du Temps Libre de Libourne).
Pause estivale
Commencés les travaux de l’été
Déplacés les bureaux crasseux
Rangés tous les livres poussiéreux
Effacé le tableau pour les craies
Envolés les rires des enfants
Chamboulée la cour d’avant
C’est une petite école de village
Qui semble dormir l’été
Mais garde des odeurs de vie protégée
Dans son précieux sillage
Une pause estivale
Transformée la cour avec son potager
Pour de joyeux semis partagés
Augmentée la surface perméable
Pour un climat plus habitable
Installé le nouveau sol clair
Pour un effet spectaculaire
Réorganisés les espaces de jeux, de nature
Face aux grandes températures
Eteinte l’ancienne cloche de midi
Arrêtée la sonnerie du soir
Suspendues les chansons vives des petits
Stoppées les bagarres noires
Attendue la rentrée et tous ses nouveaux défis
Et commencés les travaux d’été.
C’est une petite école de village
Qui semble dormir l’été
Mais garde des odeurs de vie protégée
Dans son précieux sillage
Une pause estivale
Texte de Franck (G1 / Université du Temps Libre de Créon).
Allongés sur la plage.
Prélassés sur le sable.
Rêvassés d’un monde encore meilleur.
Doutés de ses rêves si lointains.
Marchés dans l’oubli d’un mirage.
Coupés le bruit des vagues qui s’étalent.
Enrobés de produit protecteur.
Dénoués ses regards qui en disent long.
Encombrés par ses masses migratoires.
Bouleversés par ces changements.
Equilibrés les charges et les flux.
C’est un endroit perdu à l’autre bout de la planète.
Un rêve inaccessible ou presque.
Fixer sur une photo dans un téléphone portable.
Terminus d’un mirage,
thérapie de l’ennui et de l’effort.
Affalés sur un quai de gare.
Bousculés par les flux migratoires.
Hâtés par la voix du chef de gare.
Passés d’une vie de bohème et d’habitudes.
Usurpés les bienfaits de la vie.
Liés à une terre d’un monde meilleur.
Brigués de promesses rajoutées.
Fixés par des rêves échappatoires.
Martelés par la lassitude.
Butés par l’info et la désinformation.
Obligés de s’en échapper sans trop y croire.
C’est un endroit pas trop lointain sans certitudes,
désenchantés par les tracas infondés.
Ils ne nous restent que le rêve accessible bardé de soleil et de sourire.
Attendre le pic le plus haut pour plonger dans la sollicitude de l’espoir.
Texte de Dominique (G1 / Université du Temps Libre de Libourne).
LE TEMPS S’EN VA
Egarés la montre, les lunettes, le courrier
Délaissés les voisins, les amis, les copains
Confondus les jours, les mois, les années
Effacés les visages, les noms, les refrains
Oubliés, les fêlures, les failles, les regrets,
Ce n’est que le début, pas encore la fin
Alarmé par ces portes fermées
Apeuré par la nuit qui s’installe
Angoissé, dérouté, terrifié
Perdu dans un monde inconnu et instable
Ecarté, isolé, abandonné
Ce n’est que le début, pas encore la fin
Dépaysé, désorienté dans l’espace et le temps
Honteux d’avoir pris l’enfant pour le parent
Confus de ses phrases appauvries, inachevées
Angoissé par l’habit qu’il ne sait plus porter
Le repas qu’il ne fait qu’oublier
Gêné de son rire qui ne masque plus rien
Ce n’est plus le début, pas encore la fin
Perdus à jamais une vie, un ami, une amante
Dispersées les images du temps passé
Enfuis les prénoms qu’il aimait répéter
Taris l’émotion, le sourire et les larmes
Consumé l’espoir dans l’intime vacarme
Ce n’est plus le début, pas encore la fin
Adieu à ceux qu’il ne connait plus
Pas d’ombre familière, pas de main tendue
Solitaire, abîmé de peur et de silence
La vie insignifiante pour toute évidence.
Ce n’est plus le début, c’est déjà la fin
Le temps se brouille, s’installe l’absence
Egarés la montre, les lunettes, le courrier…
Texte de Améthis (G1 / Université du Temps Libre de Libourne).
Oubliés les câlins d’après biberon
Envolés les corps à corps d’avant sommeil
Enfuis les bisous sur les petits petons
Différés les mots doux murmurés à l’oreille
Dépassés les émois des premiers pas
Remplacé le babillage comme des pépiements
Ecourtés tous ces instants passés dans les bras
Abandonné peu à peu ce cocon-sentiment
Glorifiés les premiers non
Encensées les nouvelles acquisitions
Encouragés les premiers coups de crayon
Et oubliés les câlins d’après biberon
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